Directives : respect des droits fonciers et forestiers
Directives (anglais) : responsabilité des entreprises par rapport à l’héritage des terres
Outil interactif (anglais) : pour les entreprises
Les peuples autochtones et les communautés locales détiennent de façon coutumière plus de 50 % des terres du globe, mais n’ont de droit de propriété reconnu que sur 10 % de celles-ci. Cet écart les rend vulnérables face aux proje ts lancés sans leur accord par le secteur privé sur leurs terres. À mesure que la pression des investisseurs et des entreprises se fait ressentir sur des zones rurales reculées pour des projets agricoles, miniers, d’exploitation forestière, d’infrastructure ou autres, les conflits entre les communautés et le secteur privé augmentent.
Ces conflits peuvent être dévastateurs pour les peuples autochtones et les communautés locales, qui sont fréquemment criminalisés par leur propre gouvernement, voire même victimes de violences simplement parce qu’ils défendent leurs terres et leurs moyens de subsistance : en 2018, Global Witness a documenté 164 cas de meurtres de défenseurs de l’environnement et des terres. Les bénéfices promis par les entreprises aux communautés dont elles utilisent les terres ne se matérialisent que trop peu souvent.
Ces différends affectent aussi les entreprises. Les conflits avec les communautés peuvent entraîner des interruptions de travail, une paralysie des investissements, voire même un abandon du projet – autant de cas qui peuvent impacter les profits des entreprises. Les récentes études montrent que les conflits surviennent généralement quand les communautés sont forcées de quitter leurs foyers et que les entreprises ne peuvent généralement pas compter sur leurs moyens financiers pour se sortir de ces conflits. Alors que les investisseurs et les entreprises reconnaissent de plus en plus ces risques et que certains se sont engagés à respecter les droits fonciers des communautés, mettre en œuvre ces engagements dans des chaînes d’approvisionnement internationales tentaculaires se révèle compliqué.
La reconnaissance des droits communautaires et des entreprises communautaires est une alternative aux modèles traditionnels qui impliquent des entreprises acquérant de grandes propriétés foncières. La reconnaissance des droits peut déboucher sur une amélioration des moyens de subsistance et des revenus, ainsi que sur d’autres indicateurs de développement. En effet, les faits montrent que les terres détenues par les populations locales bénéficient à davantage de personnes que l’agriculture de plantation.
Pour les entreprises et les investisseurs dans les secteurs tels que l’agriculture, l’exploitation minière et forestière et l’infrastructure, des droits fonciers précaires pour les peuples autochtones et les communautés locales représentent un risque financier significatif. Le non-respect des droits des communautés peut entraîner des conflits qui nuisent aux communautés comme aux entreprises. [Source : TMP Systems et RRI 2016 (IAN: Gérer les risques liés à la tenure)]
Quand les entreprises opèrent dans des régions où les droits fonciers communautaires ne sont pas reconnus, les différends liés à la terre peuvent avoir un coût financier pour les investisseurs. [Source : TMP Systems 2016 (IAN: Gérer les risques liés à la tenure)]
Le nombre de conflits liés à la terre augmente au niveau mondial, avec 300 % de cas relevés en plus entre 2003 et 2014 à cause de l’appétence des entreprises pour les grandes superficies de terres à destination de projets dans les secteurs de l’énergie, de l’infrastructure et de l’agrobusiness.
L’idée selon laquelle il y a une vaste superficie de terres disponibles pour l’investissement est un mythe : une étude portant sur près de 73 000 projets d’exploitation minière, gazière, pétrolière, forestière ou agricole dans dix pays en développement montre que des populations sont présentes dans 93 à 99 % d’entre eux.
La moitié des entreprises impliquées dans des conflits liés à la tenure qui ont été examinés dans une étude (54%) ont subit d’importantes pertes. Un tiers d’entre elles ont fait face à des conséquences très importantes telles que la suspension de la production, l’annulation du projet ou de lourdes amendes.
La cause première de ces conflits ne porte pas sur les indemnités, mais sur le fait que les communautés sont forcées de quitter leurs foyers.
Les entreprises ne peuvent généralement pas acheter la sortie de crise. Des 362 conflits étudiés, seuls 7% étaient principalement dus à des questions d’indemnités.
La cause principale de conflits portait sur le déplacement des populations locales dans 46% des cas. La destruction de l’environnement représentait la deuxième cause de conflits, et la première dans 26% des cas. [Source : TMP Systems 2016 (IAN: Gérer les risques liés à la tenure)]
Plus des trois quarts des conflits interviennent au lancement du projet ou quand le projet s’étend, lorsque les entreprises ne cherchent pas à obtenir le CLIP (consentement libre, informé et préalable) des communautés. [Source : TMP Systems 2014 (Les communautés comme contreparties)]
Les conflits non résolus portant sur la tenure foncière augmentent nettement les risques financiers pour les entreprises et les investisseurs dans les secteurs de l’infrastructure, de l’exploitation minière, de l’agriculture et de l’exploitation forestière. Ils peuvent multiplier les coûts de fonctionnement par 29 par rapport à la normale, et même mener à un abandon pur et simple des opérations déjà lancées. Le risque lié à la tenure foncière est statistiquement important dans tous les secteurs dans les pays en voie de développement. [Source : TMP Systems 2012 (Les risques financiers d’une tenure foncière précaire), TMP Systems 2013 (Capital mondial, concessions locales)]
Garantir les droits fonciers communautaires est une solution plus prometteuse à la réduction de la pauvreté et au développement économique durable que l’agriculture de plantation. Presqu’un tiers de la population mondiale dépend des terres détenues par les communautés pour vivre et se nourrir, les plus démunis étant aussi les plus dépendants. L’utilisation des terres par les communautés rurales est plus durable, bénéficie à plus de personnes et a des résultats plus positifs pour l’environnement que les plantations à grande échelle et les projets d’extraction. [Source : RRI 2017 (Garantir les droits fonciers communautaires : priorités et opportunités pour faire avancer les objectifs climatiques et de développement durable)]
Le secteur privé peut être un allié pour garantir les droits fonciers des peuples autochtones et des communautés.
Les entreprises doivent mettre en place des politiques sur les droits de l’Homme et les droits fonciers en accord avec les normes internationales telles que l’UNDRIP et les Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers. Le groupe Interlaken a créé un guide sur les droits fonciers et forestiers pour aider les entreprises à mettre en œuvre leurs engagements vis-à-vis de ces droits, même dans les régions où la gouvernance est faible.
Durant toutes leurs activités, les entreprises doivent :
Identifier – et, quand c’est possible, aider à garantir juridiquement – les droits de tenure des communautés locales et des ménages.
Chercher à obtenir le consentement libre, informé et préalable des communautés avant que les plans de développement soient finalisés et s’assurer que les consultations incluent les femmes des peuples autochtones et des communautés, qui ont souvent une utilisation des ressources différente de celle des hommes.
Garantir des protections environnementales solides, ce qui peut aider à réduire le risque de conflit avec les communautés locales. Les communautés dépendent généralement des ressources naturelles pour leurs moyens de subsistance et sont susceptibles de réagir vivement si l’on touche à leurs forêts, leur eau potable ou si l’air est pollué.
Soutenir la cartographie des communautés pour aider ces dernières à définir leurs territoires et aider les investisseurs et les entreprises à éviter les risques liés à la tenure. Cartographier ne coûte en moyenne que 3,78 US$ par hectare, mais peut considérablement réduire ces risques.
Mener des audits réguliers, indépendants et transparents sur leurs résultats en termes de droits de l’homme et de droits fonciers. [Source : RRI et le groupe Interlaken 2019 (Respecter les droits fonciers et forestiers : guide pour les entreprises)]
Une étude menée par RRI et TMP Systems sur les conflits liés à la tenure en Afrique montre que 63% des conflits liés aux terres appartenant aux investissements privés dans les terres et les ressources naturelles éclatent lorsque les communautés sont forcées à quitter leurs terres. Dans plus de deux tiers des cas, survient une longue interruption de travail ou une intervention juridique, ce qui prouve que les conflits liés à la tenure sont un poids grand financier pour les investisseurs. [Source : RRI et TMP Systems 2017, Tenure et investissement en Afrique]
En Afrique de l’Ouest, la majorité des conflits vient de l’agriculture de plantation (en particulier les projets dans l’huile de palme). Le déplacement des communautés était la cause principale de 70% des conflits étudiés liés à la tenure, tandis que les questions liées à l’indemnisation étaient la cause principale dans 30% des cas. 60% des conflits liés à la tenure ont débouché sur des interruptions de travail, ce qui a eu des conséquences sur les profits des entreprises et des investisseurs, et 30% ont déclenché des violences. [Source : RRI et TMP Systems 2017, Tenure et investissement en Afrique]
Dans le sud de l’Afrique, le déplacement des communautés était la cause principale de 82% des conflits liés à la tenure. 73% de ces conflits ont entraîné des interruptions de travail et 73% ont déclenché des violences – le plus fort taux pour ce type de conflits dans le monde. [Source : RRI et TMP Systems 2017, Tenure et investissement en Afrique]
L’infrastructure et les services publics sont la cause de la majorité des conflits en Afrique de l’Est. Les communautés ont eu recours à des cadres juridiques plus solides pour poursuivre les entreprises violant leurs droits. Le déplacement des communautés était la cause principale de 36% des conflits liés à la tenure étudiés, tandis que les indemnisations étaient la cause principale dans 27% des cas. 73% des conflits liés à la tenure ont entraîné des interruptions de travail. [Source : RRI et TMP Systems 2017, Tenure et investissement en Afrique]
Une étude menée par RRI et TMP Systems sur les conflits liés à la tenure en Asie montre que seuls six des 51 cas de conflits fonciers en Asie du Sud-Est ont été résolus, et que 74% des cas ont duré plus de six ans. [Source : RRI et TMP Systems 2018, Tenure et investissement en Asie du Sud-Est]
À travers la région, 47% des cas ont déclenché des violences, 18% entraînant des morts. Plus des trois quarts des conflits liés à la tenure étudiés (76%) ont éclaté avant le début des opérations, ce qui laisse à penser à un manque de bonne foi dans les négociations avec les communautés concernées. Le déplacement des populations locales – des communautés entières forcées de quitter leurs terres coutumières – était la principale cause de près de la moitié de ces conflits (45%). [Source : RRI et TMP Systems 2018, Tenure et investissement en Asie du Sud-Est]
En moyenne, les conflits étudiés en Asie du Sud-Est se situaient à 33 kilomètres d’une frontière nationale, contre 61 kilomètres en Afrique. Les régions frontalières sont souvent moins surveillées par les gouvernements et les observateurs tiers, ce qui présente de plus grands risques et termes d’investissements. [Source : RRI et TMP Systems 2018, Tenure et investissement en Asie du Sud-Est]
Près des deux tiers des conflits (65%) ont entraîné d’importantes pertes matérielles pour les promoteurs du projet, soit à cause d’actions directes, soit suite à une intervention réglementaire, contre 52% pour le reste du monde. Des actions en justice ont eu lieu dans près des trois quarts (71%) des cas. [Source : RRI et TMP Systems 2018, Tenure et investissement en Asie du Sud-Est]
Dans l’examen de 13 concessions forestières s’étendant sur 59 130 kilomètres carrés, 100% d’entre elles étaient déjà habitées. [Source: TMP Systems 2014 (Les communautés comme contreparties)]
Dans l’examen de 115 concessions pétrolières et gazières s’étendant sur 239 832 kilomètres carrés, 96 à 100% d’entre elles étaient déjà habitées. [Source: TMP Systems 2014 (Les communautés comme contreparties)]
Dans l’examen de près de 10 000 concessions minières en Colombie s’étendant sur plus de 50 000 kilomètres carrés, 97 à 99% d’entre elles étaient déjà habitées. [Source: TMP Systems 2014 (Les communautés comme contreparties)]
Dans l’examen de 229 concessions pétrolières en Colombie s’étendant sur plus de 155 000 kilomètres carrés, 98 à 100% d’entre elles étaient déjà habitées. [Source: TMP Systems 2014 (Les communautés comme contreparties)]
Plus de 40% des terres péruviennes ont été allouées par le gouvernement pour l’exploitation forestière, minière, pétrolière ou gazière. [Source: TMP Systems 2014 (Les communautés comme contreparties)]
Dans l’examen de 105 concessions forestières s’étendant sur 79 351 kilomètres carrés, 98 à 100% d’entre elles étaient déjà habitées. [Source: TMP Systems 2014 (Les communautés comme contreparties)]
Dans l’examen de 59,159 concessions minières s’étendant sur 269 894 kilomètres carrés, 92 à 100% d’entre elles étaient déjà habitées. [Source: TMP Systems 2014 (Les communautés comme contreparties)]
Dans l’examen de 70 concessions pétrolières et gazière s’étendant sur 203 258 kilomètres carrés, 97% d’entre elles étaient déjà habitées. [Source: TMP Systems 2014 (Les communautés comme contreparties)]
Plus de 35% des terres libériennes ont été allouées par le gouvernement pour l’exploitation forestière, minière, pétrolière ou gazière. [Source: TMP Systems 2014 (Les communautés comme contreparties)]
Dans l’examen de 15 concessions agricoles s’étendant sur 6 911 kilomètres carrés, toutes étaient déjà habitées. [Source: TMP Systems 2014 (Les communautés comme contreparties)]
Dans l’examen de 222 concessions forestières s’étendant sur 32 758 kilomètres carrés, toutes étaient déjà habitées. [Source: TMP Systems 2014 (Les communautés comme contreparties)]
Les études précédentes ont sérieusement sous-estimé le rôle joué par les conflits fonciers dans la paralysie des projets menés en Inde, ainsi que l’ampleur des coûts entraînés par ces conflits pour l’économie et la société indiennes. Sur les 80 projets d’importance paralysés examinés dans l’étude menée par RRI et l’Institut Bharti de politiques publiques, plus d’un quart (21 projets) ont été paralysés à cause de conflits fonciers. [Source : RRI et Institut Bharti de politiques publiques 2016, Conflits fonciers et investissements immobilisés en Inde]
La valeur de l’investissement à risque dans ces 21 projets représente 1 926,2 milliards de roupies, 300% fois plus que les estimations précédentes. [Source : RRI et Institut Bharti de politiques publiques 2016, Conflits fonciers et investissements immobilisés en Inde]
L’acquisition de terres communes et privées est une cause majeure de paralysie des projets. Contrairement à une perception répandue selon laquelle ces conflits sont limités aux terres privées, au moins 15% des projets paralysés concernent des terres communes. La valeur totale de l’investissement dans les projets paralysés sur des terres communes était de 1 188 milliards de roupies, soit 17 milliards de dollars. [Source : RRI et Institut Bharti de politiques publiques 2016, Conflits fonciers et investissements immobilisés en Inde]
L’acquisition de terres privées est à l’origine de conflits dans 14 des 21 projets paralysés étudiés par RRI et l’Institut Bharti de politiques publiques. [Source : RRI et Institut Bharti de politiques publiques 2016, Conflits fonciers et investissements immobilisés en Inde]
Plus de 30% des terres indonésiennes ont été allouées par le gouvernement pour l’exploitation forestière, minière, pétrolière ou gazière. [Source: TMP Systems 2014 (Les communautés comme contreparties)]
Dans l’examen de 1 845 concessions d’huile de palme s’étendant sur 155 245 kilomètres carrés, 98-99% d’entre elles étaient déjà habitées. [Source: TMP Systems 2014 (Les communautés comme contreparties)]
Dans l’examen de 557 concessions forestières s’étendant sur 302 505 kilomètres carrés, 96 à 98% d’entre elles étaient déjà habitées. [Source: TMP Systems 2014 (Les communautés comme contreparties)]
Dans l’examen de 570 concessions de fibre ligneuse s’étendant sur 128 829 kilomètres carrés, 98 à 100% d’entre elles étaient déjà habitées. [Source: TMP Systems 2014 (Les communautés comme contreparties)]
En Indonésie, l’industrie de l’huile de palme a englouti plus de 59% des forêts communautaires dans le Kalimantan occidental, pourtant, celle-ci contribue à moins de 2% au PIB du pays et n’a pas créé plus d’emploi dans les régions rurales. Les inégalités ont augmenté et les droits fonciers des peuples autochtones ont été en grande partie transférés aux entreprises. [Source: TMP Systems 2014 (Les communautés comme contreparties)]