Criminalisation des défenseurs des territoires autochtones et communautaires

Principaux visuels liés

Exposé général

Informations et chiffres clés

Informations et chiffres par régions

Informations et chiffres par pays

Principaux visuels liés

Graphique (anglais): « Étapes du processus de criminalisation »

Témoignages vidéo de dirigeants autochtones sur le phénomène de criminalisation, réalisés par RRI

Graphiques tirés de cas de criminalisation

Site Web: Criminalisation des peuples et communautés autochtones

Exposé général

Les peuples autochtones et les communautés locales administrent de nombreuses forêts et des sites riches pour la biodiversité qui revêtent une grande importance au niveau mondial ; ce sont des territoires fortement convoités pour y implanter des pratiques destructrices d’exploitation agricole, minière et du bois, ainsi que d’autres projets à grande échelle tout aussi néfastes pour l’environnement. Lorsque les communautés se dressent contre ces projets en défense de leurs habitats et de la planète, elles sont souvent attaquées. Elles font l’objet de violences, d’assassinats et de menaces, et subissent une persécution pénale et d’autres formes de harcèlement ayant pour objet de criminaliser les défenseurs des territoires ou de ternir leur réputation. Cette violence juridique et physique prend sa source dans l’insécurité foncière et dans un racisme tenace envers les peuples autochtones et les communautés rurales.

La Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, Victoria Tauli-Corpuz, qui a elle-même été accusée de « terrorisme » par le gouvernement philippin pour avoir publiquement défendu les communautés autochtones déplacées, a estimé que cette atteinte aux droits humains constitue une « crise mondiale ». Ces violences suivent souvent le même modèle : elles commencent par des campagnes de discrédit et des discours haineux visant à dépeindre les communautés comme des « obstacles au développement », voire comme des groupes terroristes et criminels. Des mandats d’arrêts fondés sur des accusations fabriquées de toutes pièces sont alors émis, en général à l’encontre de dirigeants autochtones, lorsque les entreprises et les autorités elles-mêmes détournent les systèmes judiciaires pour légitimer de fausses accusations. Quand des violences physiques s’ensuivent, les coupables bénéficient assez systématiquement d’une parfaite impunité.

Informations et chiffres clés

Le déploiement de projets de développement sur les territoires des peuples autochtones et des communautés locales sans leur accord alimente une spirale de violence et de criminalisation des défenseurs environnementaux au niveau mondial. La documentation de centaines de meurtres et de cas de « criminalisation » révèle l’ampleur systémique des attaques contre ces communautés.

En 2018, au moins 321 individus ont été tués dans 27 pays en raison de leur engagement en faveur de la défense des droits humains. Plus des trois quarts de ces victimes (77%) défendaient les territoires, l’environnement et les droits des peuples autochtones. [Source : Front Line Defenders 2019]
Au moins 49% des personnes tuées en 2018 avaient auparavant reçu des menaces spécifiquement ciblées, et dans 43% des cas, il y avait eu des menaces d’ordre général à l’encontre des défenseurs de la région. [Source : Front Line Defenders 2019]
Un autre calcul fait état de 164 défenseurs des territoires et de l’environnement tués en 2018, et la moitié de ces crimes auraient eu lieu en Amérique latine. Le secteur des industries minières et extractives a été le plus meurtrier, avec 43 défenseurs tués pour avoir protesté contre les effets néfastes de l’extraction minière. [Source: Global Witness 2019 (Enemies of the State)]
Les cas de criminalisation et de virulentes accusations au civil se multiplient pour couper court à l’activisme et à la défense des territoires partout dans le monde, y compris dans des pays dits « développés » comme les États-Unis. [Source : Global Witness 2019 (Enemies of the State)]

Malgré leur rôle central dans la protection des forêts, les peuples autochtones et les communautés locales sont aussi harcelés, criminalisés, évincés et tués au nom de la conservation. Ils perdent leurs habitats et leurs moyens de subsistance lorsque leurs territoires traditionnels sont étiquetés « zones protégées » sans leur consentement libre, informé et préalable.

Les territoires autochtones se superposent à près de 40% des aires protégées et couvrent plus de 65% des terres les plus éloignées et les moins habitées de la planète. [Source : (Garnett, Stephen T. et. al (Nature Sustainability)]
Les démarches de conservation de type « forteresse » –fondées sur une conception obsolète des aires protégées comme des territoires vierges et inexplorés par l’Homme– perpétuent de fait un système d’abus et de violations des droits humains qui frappe de plein fouet les peuples autochtones et les communautés locales qui habitent et protègent ces territoires depuis toujours. [Source : Tauli-Corpuz, Victoria, Janis Alcorn, and Augusta Molnar 2018 (Cornered by Protected Areas)]
L’idée selon laquelle la conservation exige de vider les territoires de leurs habitants coutumiers ne reconnaît pas que les peuples autochtones et les communautés locales sont les gardiens les plus efficaces et les plus effectifs de la forêt. Leurs terres renferment au moins 22% (218 gigatonnes) du carbone piégé par l’ensemble des forêts tropicales et subtropicales (toutes sources –de surface et souterraines– confondues). [Source : RRI 2017 (Global carbon baseline)]
Les communautés autochtones et locales obtiennent des résultats de conservation au moins équivalents à ceux des aires protégées avec moins du quart du budget. [Source : Tauli-Corpuz, Victoria, Janis Alcorn, and Augusta Molnar 2018 (Cornered by Protected Areas)]

La criminalisation des défenseurs des droits fonciers suit souvent le même modèle :

Campagnes de discrédit : Alimentées par des discours haineux gorgés de racisme et de discrimination, des campagnes de discrédit et de diffamation dans les réseaux sociaux décrivent les peuples autochtones comme des membres de bandes criminelles, de guérillas, de groupes terroristes et comme des menaces à la sureté nationale.
Charges pénales : Les faits reprochés aux dirigeants autochtones et à leurs communautés sont souvent vagues –« troubles à l’ordre public », « usurpation », « intrusion en propriété privée », « collusion », « coercition » ou « conspiration criminelle. » Les « états d’exception » sont souvent utilisés pour suspendre les garanties judiciaires et couper court aux protestations pacifiques.
Mandats d’arrêt : Des mandats d’arrêts sont sans cesse émis malgré l’inexistence de preuves ou de témoignages probants. Parfois, l’accusation ne parvient pas à nommer les supposés coupables, ce qui revient à accuser la communauté entière de tel ou tel acte criminel. Souvent, les mandats sont laissés en suspens ou ne sont pas exécutés, ce qui soumet la personne autochtone visée à la menace permanente d’une arrestation.
Raccourcis illégaux : La mise en accusation des autochtones s’accompagne souvent d’une détention préventive pouvant durer plusieurs années, avec un étalage ostensible des garanties de procédure. Les peuples autochtones disposent rarement des moyens nécessaires pour obtenir un conseil juridique, voire simplement un traducteur ou interprète. Et dans les rares cas où ils sont acquittés, les prévenus autochtones reçoivent encore plus rarement des dommages-intérêts.
Criminalisation en masse : Les organisations autochtones font l’objet de surveillances et de confiscations illégales, et les lois qui prescrivent des obligations d’enregistrement et des contrôles du financement ont pour effet d’affaiblir leur mobilisation et de restreindre leurs soutiens. À maintes reprises, les organisations de la société civile et les avocats qui prêtent assistance aux communautés autochtones ont fait l’objet d’attaques, voire d’assassinats.

Informations et chiffres par régions

Amérique latine

L’Amérique latine est restée la région la plus meurtrière pour les défenseurs des territoires et de l’environnement depuis que Global Witness a commencé à publier des données sur le nombre de personnes tuées en 2012, et elle est le théâtre de plus de la moitié des morts enregistrées dans le monde en 2018. [Source : Global Witness 2019 (Enemies of the State)]

Afrique

Sur les 19 défenseurs des territoires et de l’environnement dont la mort a été rapportée en 2017, 17 ont été tués alors qu’ils « défendaient des aires protégées contre le braconnage et l’exploitation minière illégale. » [Source : Global Witness 2019 (Enemies of the State)]

Asie

Les Philippines ont affiché le nombre le plus élevé de morts en 2018 ; 30 personnes ont été tuées « dont 15 en lien avec l’industrie agroalimentaire. » [Source : Global Witness 2019 (Enemies of the State)]

Informations et chiffres par pays

Colombie

La Colombie occupe chaque année l’une des trois premières places dans la liste des pays les plus dangereux pour les défenseurs de l’environnement. Le pays occupait la deuxième place en 2018, avec au moins 24 défenseurs des droits fonciers et de l’environnement tués cette année-là. [Source : Global Witness 2019 (Enemies of the State)]
Au moins 123 défenseurs de droits humains ou membres de communautés isolées ont été tués en Colombie au cours de l’année 2018. La plupart de ces meurtres « visaient des militants en faveur des droits des afro-colombiens et des autochtones, ainsi que des paysans et petits propriétaires terriens en zone rurale. » [Source : Washington Office on Latin America 2019]

Brésil

Le Brésil a été le quatrième pays le plus meurtrier pour les défenseurs des territoires et de l’environnement en 2018, avec un total de 20 morts enregistrées. Pour la première fois, le Brésil a quitté la première place du classement de Global Witness. Cela correspond à la baisse globale des taux d’homicide observée en 2018. [Source : Global Witness 2019 (Enemies of the State)]
La violence à l’encontre des peuples autochtones, des communautés locales et des communautés quilombolas (afro-brésiliennes) est restée stable, dans un climat de relative impunité pour les responsables. En 2016, 196 épisodes de violence contre des communautés rurales ont été enregistrés dans l’état de Maranhão, qui présente par ailleurs le nombre le plus élevé d’autochtones tués. [Source: They Should Have Known Better 2018)]

RDC

En République démocratique du Congo, les morts de 8 défenseurs des territoires et de l’environnement ont été rapportées en 2018, sur un total de 14 morts enregistrées pour le continent africain (ces chiffres peu élevés peuvent être dus au manque de preuves et de témoignages en provenance de la région). [Source : Global Witness 2019 (Enemies of the State)]

Kenya

Deux défenseurs des territoires et de l’environnement ont été tués au Kenya en 2018. L’un d’entre eux était membre de la communauté autochtone Sengwer et a été tué au cours de l’expulsion forcée conduite par les gardes du Service forestier d’Embobut. [Source : Global Witness 2019 (Enemies of the State)]

Inde

En 2018, 13 personnes ont été tuées dans le plus grand massacre documenté par Global Witness cette année-là, et qui était lié à des protestations contre une mine de cuivre à Tamil Nadu. [Source : Global Witness 2019 (Enemies of the State)]
Un rapport établi par la BBC en 2017 a révélé que les autorités du Parc national de Kaziranga, en Inde, sont responsables de 106 exécutions extrajudiciaires sur les 20 dernières années, y compris des enfants et des personnes âgées. [Source : Cornered by Protected Areas 2018]
En Inde, environ 2 millions de ménages, soit quelques 10 millions de personnes appartenant aux communautés tribales et autochtones, se trouvent actuellement sous la menace d’une expulsion hors de leurs forêts traditionnelles, du fait d’un ordre controversé de la Cour Suprême qui demeure suspendu jusqu’à juillet 2019. [Source : Arun Agrawal 2019]

Indonésie

En Indonésie, au moins 262 membres de communautés autochtones réparties sur 13 provinces ont été victimes d’actes de criminalisation et de violence ces dernières années. [Source : AMAN 2018]
En 2016, AMAN, la première organisation de peuples autochtones d’Indonésie, a rapporté que 271 dirigeants et militants autochtones ont subi des condamnations pénales dans le pays, et que neuf d’entre eux sont toujours en prison. [Source : AMAN 2016]

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